24/08/2011

paysage(s) / espace public(s)

ATELIER  DE CONCEPTION DE2  2011-2012

Le paysage, espace sensible, espace public

extrait du Journal: Meta: Research in Hermeneutics, Phenomenology, and Practical Philosophe de Jean-Marc Besse
- agrégé de philosophie et docteur en histoire (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), est directeur de recherche au CNRS, où il dirige l’équipe EHGO/UMR Géographie-cités (CNRS/Paris I/Paris VII). Il enseigne l’histoire de la géographie à l’université Paris 1 (Institut de géographie), et l’histoire et la culture du paysage à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles. Il est co-directeur de la rédaction de la revue Les Carnets du paysage. Ses travaux développent une interrogation épistémologique, historique et anthropologique sur la géographie, ainsi que sur les diverses formes prises par les savoirs et les représentations de l’espace et du paysage à l’époque moderne et contemporaine. (source UMR Géographie-cités)
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Enjeux et débats autour de la notion de paysage /

    La notion de paysage aujourd’hui dépasse la simple idée d’un panorama naturel. Le spectateur du paysage n’est plus exclusivement celui qui jouit d’un plaisir visuel sur un territoire. C’est un concept plurielle qui dépasse le sens esthétique de la vue, pour se complexifier en plusieurs couches successives. On parle de paysage politique, économique, sociologique, juridique... Pour bien comprendre ces nouveaux enjeux et débats: on peut distinguer cinq grandes orientations qui définissent les paradigmes du paysage.

Le paysage esthétique /

Relatif à l’histoire et la pensée, c’est une représentation et une conception du monde. Chaque pays, chaque nation représente et compose son paysage comme un univers partagé. Une mise en scène, une artialisation de l’espace vécu comme une invention culturelle et sociale.

Le paysage éthique/

La paysage est envisagé comme une étude d’une population, d’une ethnie, qui partage un même lieu. C’est un espace politique qui définit des règles d’organisations et des principes partagés pars tous.    

Le paysage système/

Cette orientation est le constat d’une réalité observée, une approche scientifique, concrète indépendante des représentations sociales et imaginaires. C'est la rencontre de l’homme et de la nature dans son rapport à l’environnement.

Le paysage perceptif/

Le paysage n’est plus vécu comme un imaginaire, principe, réalité mais comme une sensation, un rapport au monde sensible. Le paysage est vécu comme l’événement d’une expérience sensible, par une approche phénoménologique de l’espace.

Le paysage comme projection/

C’est l’espace du projet, du paysage comme dynamique. La projection d’une évolution, d’une transformation, de la mise en relation... La notion de site, de démarche de projet qui envisage le paysage dans sa globalité. C’est la connaissance et la réunion des différents concepts.

    Tout paysage peut donc être envisagé comme la réunion complexe de ces concepts: représentations culturelles, modèles politiques, réalités matérielles, supports d’expériences sensibles et site potentiel de futurs transformations.

Le paysage comme espace sensible /


L’utilisation de la vue pour appréhender un espace est celui que l’on développe le plus. Depuis que l’homme marche, il a développer une vision perspective et panoramique de l’espace.  C’est pourquoi l’importance d’un point de vue qui permet d’observer un paysage (ou du gibiers) est primordiale pour l’homme. La mise a distance de l’espace observé d’un point de vue particulier donne la sensation d’une représentation synthétique du monde. Spectacle visuel, point de repère, projection vers un ailleurs...

Mais bien évidement, il n’y a pas que la vue pour saisir un espace. L’expérience du paysage passe aussi par l’ouie comme (paysage sonore), par l’olfactif et ses odeurs spécifiques, l’haptique et la sensation du toucher... L’ensemble crée une ambiance, ou notre corps perçoit l’espace de façon simultané, en succession de couches sensorielles.

Le paysage nous représente, comme ambiances, atmosphères des milieux dans lesquels nous sommes plongés avant d’être des objets de contemplation. Il fait partie de nous, comme une extension de notre corps, comme condition de notre être au monde, comme source d’inspiration, comme principe de notre identité.

Le paysage comme espace sensible, devient le lieu de l’affect, de notre empathie au monde...

L’espace public/

Le concept d’espace public est un concept ambigu. Il est à la fois un concept d’urbanisme et d’aménagements, mais aussi philosophique, politique et sociologique. L’espace public est avant tout l’espace du public. Un espace ouvert à tous, d’usages libre, en accord avec les des réglementations partagé par tous. Un espace commun, de la communauté, des communautés, de la rencontre. D’un point de vue philosophique et politique, l’espace public est avant tout la métaphore d’une forme de rassemblement, de force d’action collective et politique. C’est le concept de citoyenneté, d’appartenance à la ville, à une société. L’urbanité, la civilité comme condition morale de l’exercice de notre capacité politique d’appartenance à la collectivité. Tous ceux qui ne rentrerons pas dans cette catégorie seront bannit de l’espace public (de la société, rejeter dans d’autres lieux). L’espace public, s’exprime dans des lieux comme la rue, la place, le jardin, théâtre, café... Ces espaces  peuvent être considérés comme des paysages aussi, mais en quoi un paysage est-il aussi un espace public?

L’espace public / politique

- Espace de l’action 
(possible), sans être lié à une activité spécifique: économique, travail, divertissement...
- Espace collectif 
il s’oppose à l’espace domestique, intime, privée. Il est l’espace de la citoyenneté, de la rencontre, du mélange des genres.
- Espace de partage 
appartenant à tous, il ne peut être la propriété d’un groupe ou d’une personne.
- Espace de visibilité
 c’est le lieu de l’exposition, de l’extériorité, au regard des autres.
- Espace plurielle 
l’espace public est par définition collectif, donc ouvert à tous.
- Espace de liberté d’expression 
c’est le lieu de l’exposition qui permet de capter un public, de faire sa publicité...
- Espace de connexion 
il articule des croisements, des liens avec son espace. Il s’ouvre sur l’extérieur et communique avec d’autres espaces, créant des tensions, des antagonismes, des frottements. Il n’est pas l’espace de la fusion, mais bien des contradictions. Il est par définition un espace non identitaire et non communautaire.
- Espace de contestation 
il permet à un groupe de citoyens de questionner d’autres concitoyens sur la nécessité d’actions pour le bien collectif de la société, mais aussi un espace de liberté pour d’autres revendications plus privées.

L’espace public est donc l’expérience de soi, et des autres, dans une forme indéfinie (variable, non précise) ouverte physiquement, oralement, spatialement...

L’espace public / espace sensible

La notion de public ne doit pas être assimilé seulement en terme de politique ou de sociologie mais aussi comme espace sensible. Il existe une histoire  de la sensibilité, celle de l’expérience de l’autre. L’espace public dans sa visibilité spatiale nous confronte aux regards; à une prise de conscience de la présence de l’autre et de son corps.
    L’espace public est donc par définition un espace de pluralité, de croisement des opinions, des valeurs mais aussi des corps physiques. C’est la question du «vivre ensemble» de l’adéquation des contraires, de l’acceptation des différences. A cette affirmation, se pose la question de la distance. Celle des corps, et de la promiscuité... L’organisation de l’espace doit alors respecter les bonnes distances. Ni trop près, (intimité fusionnelle  empêchent la pluralité et la différence) ni trop loin (éloignement dans l’indifférence de l’autre). Un art de l’espacement...

La conception d’un espace public est un «partage du sensible», une lecture sensible de l’espace et un traitement des ambiances (capacité à ressentir l’espace avec l’ensemble des sens). C’est dans ce sens, que l’on peut parler de paysage urbain, vécu et partagé comme une expérience sensorielle qui met en contact des corps dans l’espace.